J’ai entendu parler des personnages furtifs de l’intérieur des terres, mais je n’ai jamais eu de contact avec eux. Il arrive dès fois que tu ressentes des choses, c’est un signe qu’il arrivera quelque chose, tout peut être ressenti. Quand tu entends des choses c’est qu’il arrivera quelque chose. C’est sa capacité de chasse dit-on d’un chasseur, qui l’informe sur le futur, ce n'est pas la magie, la sorcellerie.
Souvent tout ce qui était tué était partagé au reste du groupe et aussi on s’entraidait comme lorsque quelqu’un était malade. Les Innus partaient plustôt à l’intérieur des terres quand ils n’avaient plus rien à manger sur la Côte. Quand quelqu’un tuait quelque chose, il en avait suffisamment pour tout le groupe. On partageait tout.
À l’intérieur des terres, on apprenait beaucoup, la femme était importante. On pouvait tout faire à l’intérieur des terres : la couture, la cueillette des petits fruits, la fabrication de mocassin. Tout était utilisé, par exemple quand on fabriquait des mocassins on utilisait le muscle dorsal du caribou, on faisait sécher les filaments et cela servait de fil à coudre.
Le chien est l’un des animaux qui ressent des choses dit-on, il jappe quand il sent le gibier pour que son maître puisse le tuer. Comme dans une légende que nous racontait mon grand-père : Un loup voulait l’humain soit son maître, il voulait faire le chien, alors le chien lui dit quand tu auras faim, tu voudras le manger ton maître alors que moi, s’il meurt c’est à l’endroit même de sa mort que je vais mourir.
Les jeunes sont très contents d’apprendre la culture. Ils sont à l’écoute quand on leur explique comment nettoyer le gibier. On leur enseigne comment ils vont chasser, il faut faire attention à la façon de faire les choses. Il faut très attention au chasseur, à comment seront ses habits de chasse. C’est tellement différent de nos jours.
Je fais des médicaments quand j’ai les plantes qu’il faut. Maintenant que je suis âgée, je ne peux plus faire autant. Il faudrait que les enfants puissent apprendre. Ils ne connaissent rien, ce serait une bonne chose de leur enseigner. Il faudrait que les plus jeunes apprennent comment aider à l’accouchement, plusieurs aînées avaient cette compétence, il aurait fallu transmettre ces connaissances.
Son mari avait tué plusieurs gibiers, elle lui dit alors d’aller en donner à sa mère. Il refuse d'y aller, dit-elle. Alors elle lui dit, tu ne manqueras jamais de rien (le matériel), ce qui va te manquer en premier c’est ta chasse. Lorsqu’il est tombé malade, il se rappelait de ces paroles, comme tu m’avais dit Marie-Ange! C’est ce qui arrive, il ne chassait plus. Elle l'encourage, lui disant qu'il va retourner un jour chasser comme au bon vieux temps.
Les garçons sont très fiers d’aller à l’intérieur des terres, ils aiment beaucoup quand ils sont dans le bois. Même si c’est proche, pas très loin, ils se sentent déjà bien là. Il faut prendre soin des enfants, des jeunes, pour qu’ils ne pensent pas qu’à faire le mal.
L’enfant comprend bien quand on lui parle, quand on lui dit quelque chose. Il faut leur apprendre à se respecter. Il faut que nous, les parents, fassions attention à leur enseigner les bonnes valeurs à nos enfants.
Il faut parler à ses enfants pour qu’ils comprennent le bon sens. Même si nous aimons très fort nos enfants, il faut leur interdire surtout quand ils ne font pas le bien. C’est l’alcool et la drogue qui ne sont pas bons. On faisait attention aux enfants dans le temps, il fallait que les enfants aient assez à manger. Il y avait de l’entraide quand des familles vivaient des difficultés. C'était ainsi que cela se passait dans le temps.
Il faudrait se dévouer pour notre enfant, surtout quand il va à l’école pour qu’il s’engage à fond dans ses études. Si on ne s’en soucie pas, il ne va pas trouver important de réussir ses études. Il faut qu’il ait toujours à manger pour qu’il sache qu’on le trouve important. Plusieurs aînés m’ont dit de toujours prendre bien soin de mes enfants, de les surveiller, pourtant ce sont des étrangers.
Les croyances d’autrefois, ce qu’il fallait surveiller dans nos agissements à l’intérieur des terres. Par exemple, on ne peut pas regarder qui arrive quand on est dans la tente, il pourrait nous lancer des projectiles, autre chose, on ne doit jamais mettre nos raquettes à l’intérieur de la tente. Il faudrait parler de cela aux jeunes. Pour les chasseurs, il doit faire attention à sa capacité de chasser, il ne doit pas se vanter, il pourrait ne plus voir les indices pour trouver l’animal à chasser. C’est celui qui est le maître qui fait cela, Papakassikw qui est le caribou. Missinakw, c’est le maître des poissons. Celui qui est le maître, c’est lui qui surveille tout.
Je laisserais tout aux jeunes et aux enfants, je ne suis pas avare de mes richesses. Je n’ai jamais eu que l’éducation que ma grand-mère me donnait. J’aimerais que les enfants conservent les activités que faisaient leur grand-mère et leur grand-père. Autrefois, les enfants avaient tous des enseignements et la femme travaillait comme un homme. Maintenant, on devrait aussi apprendre aux filles à lacer des raquettes, faire des mocassins et à veiller sur leurs enfants. C’est depuis qu’on vit sur la communauté que les enfants sont différents que l’on vit différemment.
On devrait pouvoir apprendre plusieurs choses aux jeunes, c’est ce qu’on faisait dans le temps, comment ils allaient travailler à l’intérieur de terre, dans sa maison, comment utiliser les objets comme le canot (les voyages), la température, etc. Ils doivent toujours avoir la prière. Les garçons devraient apprendre à faire des raquettes, des canots, des rames, des tobaganes. Et les filles devraient apprendre à lacer les raquettes, à faire à manger, à changer le sapinage dans la tente. Autrefois, on lui parlait de tout, de la façon de travailler. Ce qui est le plus à respecter, c’est le caribou : comment apprêter la peau, le fœtus. On faisait attention à tout, on respectait tout.
Je souhaite vraiment qu’on puisse parler aux jeunes de ce qu’il y a à faire à l’intérieur des terres : la façon de travailler, les habits qu’ils avaient. Il faut montrer tout ce qu’il faut aux jeunes : sur la façon d’arranger les animaux. Il n’y a plus personne pour faire des formations.
On faisait attention à tout, on ramassait tout et tout avait son utilité. Comme le un sac en peau de patte de caribou ou d'orignal, ma grand-mère y mettait de la graisse dedans, au cas où quelqu’un souffrirait de famine. Les jeunes garçons et les jeunes filles apprenaient très tôt à s’occuper et à nettoyer les animaux. On leur apprenait très vite à faire attention à ce qu’ils faisaient, à ne pas se brûler par exemple. On pourrait leur apprendre et leur montrer plusieurs autres choses comme quand une femme est enceinte et qu’elle allaite. Il faut apprendre aux jeunes à faire attention, la sécurité quand ils vont à l’intérieur des terres. A-t-on perdu cette façon de vivre? Je le regrette.
C’est lorsque nous étions à l’intérieur des terres que nous avions de l’enseignement sur les méthodes de chasse, des chasseurs et bien sûr mon grand-père Mishtikushish, c’est là où nous imitions ce qui se faisait. Il y avait beaucoup de travail à faire avant de monter dans le bois, il fallait fabriquer plusieurs choses : raquettes, tabagane, pelle... Une fois, après son mariage il s’est blessé en chassant, il a failli s’empaler avec un morceau de bois en voulant éviter un caribou en rut. Il avait 14 ans ou 15 ans lorsqu’il a tué son premier caribou.
Je n’ai jamais senti de présence à l’intérieur des terres. Il est arrivé une situation où j’ai entendu quelqu’un m’appeler, la fois où mon grand-père Mishtikushish est décédé. Je patinais, j’avais fabriqué mes patins, il faisait très beau. J’ai entendu quelqu’un prononcer mon nom : ‘Napaien’, il avait une belle voix. C’est à cette heure-là que mon grand-père est venu me voir avant de partir. De toutes les fois où je me suis promené à l’intérieur des terres, même la nuit, je n’ai jamais rien senti. C’est juste dans la communauté, une fois, que j’ai ressenti la peur.
Nous allions voir nos pièges, mon frère et moi loin du campement, tout à coup nous avons entendu mon père crier, il s’était blessé à la jambe, c’était presque cassé, c’était sur le même côté que son genou qui avait une malformation. Nous l’avons amené au campement et nous lui avons fait un bandage pour que cela guérisse. Jérôme a fait des morceaux de bois, du sapin. On a fait une attelle avec les morceaux de bois et un bandage, comme ça cela restait en place. Lorsque nous sommes revenus de l’intérieur des terres, il a été amené à Havre Saint-Pierre pour une radiographie. Le médecin n’a rien fait de plus. Vous avez été vraiment très intelligent a dit le médecin, que vous ayez pu sauver sa jambe.
Il parle des animaux et de leur nombre autrefois, des animaux qui étaient proches de la mer et à l’intérieur des terres : ours, caribous et orignaux. Il y avait des caribous avant et maintenant il n’y en a plus, les caribous des bois, ils étaient bons à manger et ils étaient gras. Il parle du comportement des caribous et des orignaux lorsqu’ils sont dans la période du rut. Ils ont une forte odeur. Ce n’est pas compliqué de le chasser, on peut l’appeler en imitant son cri, on l’entend s’approcher de plus en plus et il vient vers nous. Il dit aussi que le caribou n’est pas peureux quand il est en compagnie des femelles, c’est la même chose pour l’orignal. Finalement, Il raconte aussi des histoires de chasse à l’orignal et au caribou.
Je connais plus la région de la rivière Romaine, dit-il : les portages, les rivières et les lacs. Il nous donne les noms des endroits où il est allé. Il y a plusieurs noms. Là où il y a actuellement la construction des barrages, il y avait une sépulture, c’était une vielle femme dit-on. Elle avait demandé à son décès d’être enterré là, pour que tous ceux qui vont vers l’intérieur des terres puissent prier pour elle. Maintenant, ils construisent des barrages. Nous sommes allés voir ces barrages avec « celui qui fait l’électricité ». Je lui ai alors dit : « La vielle dame qui est enterrée à cet endroit n’a pas demandé à être ennoyée ». Les ossements seront ramenés vers la mer m’a-t-il dit, je lui ai fait savoir ce que je pensais de lui. Et là-bas, là où sera fait le dernier barrage dit-il, je n’aurais jamais pensé qu’il y aurait un barrage à cet endroit, nous nous promenions là, dit-il.
Oui, il y avait des Innus qui se rencontraient, qui se visitaient : les Innus de Tshishe-Shatshit, de Uashat… C’est à Musquaro que se rencontraient les Innus. Il y avait une église qui ressemblait à notre église. C’est John Maloney qui l'avait construite et c’est mon grand-père Jos Mollen qui l'avait aidé. Ils ont défait tout l’église pour la ramener et la reconstruire sur leur territoire, ils l’ont finalement juste démonté sans jamais pouvoir la reconstruire. Il y avait aussi un cimetière. Le marchand de Musquaro aurait entretenu l’église et le cimetière, il devait être riche de toute évidence, ce marchand. Il y a plusieurs Innus qui sont enterrés dans ce cimetière dont mon grand-père Jos Mollen.
C’est quand on partait de Ekuanitshit autrefois quand on allait à l’intérieur des terres, nous remontions la rivière Saint-Jean. Là où il y a le pont. Qui aurait un jour pensé qu’il y aurait un chemin à cet endroit, qu’il puisse y avoir des voitures qui passent par là. Il y avait beaucoup de portage, des portages très long à parcourir et certain qui sont plus courts. On transportait les choses en plusieurs voyages, on les transportait sur le dos avant d’arriver à destination, en sortant du bois en partageant le canot. Et toute la fatigue ressentie, même si la personne était malade il fallait quand même voyager. Et aujourd’hui personne ne bouge quand il a quelque chose, quand il est malade, alors qu’autrefois c’était différent.